Mon initiation à l'archéologie à Saint-Denis

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Lundi 13 février 2012.

Trois mois après la fin de la cession d'octobre, tous les participants ont été conviés par Jean-François à participer à la conférence de présentation des résultats de la campagne de fouilles 2011 qui clôt un cycle de 3 ans de fouilles programmées.

Nous avons fait un bond dans la compréhension du site de l'Îlot Cygne grâce à un premier phasage - effectué à partir de l'étude des différentes couches géologiques - c'est-à-dire à une chronologie de la succession des vestiges permettant la datation d'une activité humaine. Dès lors, on comprend mieux comment s'est formé l'îlot médiéval et comment s'est réalisée la transition avec la période carolingienne (IXe et Xe siècles).

 Coupe stratigraphique des maisons fouillées rue de la Boulangerie

© UASD / O. Meyer

Au travers des strates rouges et noires (terre rubéfiée et charbon), on devine la présence des fours de boulangers médiévaux.

Un outil numérique, baptisé "le stratifiant", effectue des croisements de données de terrain afin d'élaborer des diagrammes mettant en lumière des liens et des unités stratigraphiques. C'est ainsi que, pour la première fois, 9 phases chronologiques ont été recensées, du XIe siècle à l'après 1957. 

Phase 1 : XI-XIIe siècles

La rivière a été déplacée en fonction de l'organisation de la zone artisanale.

Découverte par Lucie d'un pion de trictrac (jeu de stratégie très populaire) du XIe siècle qui aura l'honneur d'être exposé. 

Jeu de trictrac - XIe siècle

 Pion de trictrac – XIIe siècle

Ivoire de morse, Musée du Louvre, Paris

Phase 2 : XIII-XIVe siècles

Découverte d'un puits avec un cuvelage en bois. La zone est encore à creuser pour atteindre les matériaux organiques. 

Phase 3 : XV-XVIIe siècles

Ce qui était considéré au départ comme une cave serait, en fait, un bassin car les signes de la présence d'eau ont été mis au jour. Dans la cuve de tanneur ont été découverts des éléments en bois et des prélèvements seront effectués en 2012. 

D'après le mobilier archéologique trouvé dans le bassin (un cadran solaire, des céramiques, etc.), les archéologues ont déduit que la population qui vivait là était relativement aisée.  

Pion de trictrac - Samson et les renards - XIIe siècle

Phase 4 : XVIIIe siècle

Zone fouillée en 2009/2010.

Phase 5 : Fin du XVIIIe siècle

Découverte de peignes à poux.

Pion de trictrac - Combat d'hommes et de dragons - XIIe siècle

Phase 6 : Début XIXe siècle 

Phase 7 : Milieu du XIXe siècle

Découverte d'une berge maçonnée intégrant des cuves oblongues réalisées avec un mortier hydraulique.

Phase 8 : 1888-1957

Découverte d'un sol en ciment chimique. 

Phase 9 : Post 1957

Découverte d'un cours d'eau cimenté sur ses parois.

Pion de trictrac - Combat d'animaux fantastiques - XIIe siècle

Pour clore le sujet, Jean-François évoque l'Îlot Cygne en soulignant l'importance de son statut de site formateur/ "chantier-école", en lien avec plusieurs universités, dans la perspective de développer des sujets de recherche. Julie, étudiante en master, réalise une étude géo-archéologique relative aux sédiments dans le cadre d'une analyse globale du site. Cyril, étudiant en master, travaille sur la question des tanneries à Saint-Denis. "Un beau projet de formation sur la réalisation des fouilles", conclue Jean-François, avant d'annoncer un projet d'exposition exhaustive des objets prélevés dans le bassin (XV-XVIIe siècles), durant l'été 2012.

Jeu d'échecs médiéval / Pions de trictrac - Château de Mayenne © B. Pelletier

Autre événement cette année, le pion de trictrac du XIe siècle sera le premier objet découvert sur l'Îlot Cygne à faire l'objet d'une exposition hors de Saint-Denis. Ce sera au château de Mayenne à travers l'exposition Échecs et (tric)trac, fabrication et usages des jeux de tables au Moyen-Âge.

Pour se faire une idée, voici quelques objets découverts à l'ïlot Cygne, restaurés et visibles au Musée d'Art et d'histoire de Saint-Denis :

Scramasaxe du VIIe siècle, avant et après restauration

© UASD / J. Mangin

Le scramasaxe est un sabre court à un seul tranchant, caractéristique de l'armement mérovingien.

Peigne en bois et déchets de taille de bois de cerf

© UASD / J. Mangin

Vase carolingien en cours de restauration (pose d'agrafes avant collage)

© UASD / J. Mangin

Fourreaux de couteaux médiévaux

© UASD / J. Mangin

Peignes en bois de cerf conditionnés

© UASD / J. Mangin

Vendredi 27 octobre 2011.

Le rideau se ferme, c'est le dernier jour de mon stage de 3 semaines. C'est également le dernier jour de la campagne de fouilles 2011 et la fin du premier cycle de fouilles de 3 ans. 

Pour clore cette aventure, voici quelques images du chantier qui se referme :

 Un photographe photographié... © Tiphaine R.

La grosse artillerie est mobilisée : un photographe, un cameraman

et un preneur de son immortalisent la fin de saison

© Tiphaine R.

Lucie quitte le chantier, le coeur en peine © Tiphaine R.

Richard et Clément ramassent les dernières pierres © Tiphaine R.

Clément tente une cascade à la Jacky Chan

© Tiphaine R.

Richard initie une nouvelle version du basket, pierre à la main

© Tiphaine R.

Et c'est Jean-François qui ferme la marche © Tiphaine R. 

Si une page se tourne, un nouveau chapitre commence : au regard de la richesse des informations récoltées jusqu'ici, l'État a émis son accord concernant la reconduite des fouilles pour un nouveau cycle triennal 2012-2014. .

Jeudi 27 octobre 2011.

Mon potentiel petit trésor a fait l'objet d'un prélèvement en motte par une étudiante, membre de l'équipe de conservateurs. 

Cette technique consiste à effectuer une découpe d'une motte de terre entourant l'objet. Généralement, une plaque de métal ou de bois est positionnée sous la motte et, si nécessaire, une couronne cartonnée peut être ajoutée pour la consolidation et la protection de l'objet. 

Prélèvement en motte © C. Fouilloud, Inrap

L'objet prélevé sera ultérieurement analysé aux rayons X afin d'en effectuer la datation.

Mercredi 26 octobre 2011.

Les fouilles au sein de la cave du XVIIe siècle se poursuivent. Dernier jour de fouille, en toute fin de journée, arrivant comme une miraculeuse récompense, se dessine sous mes mains une forme circulaire en métal, d'une circonférence d'environ 25 cm. Selon l'hypothèse de Lucie, ce pourrait être un creuset utilisé dans les modes de cuisson médiévaux. Sans certitude aucune donc, j'aurais peut-être trouvé quelque chose ressemblant à ceci :

qui serait susceptible d'être utilisé à l'intérieur d'un four comme celui-là :

Four fondeur reconstitué par Guy Moreau. Crest (Drôme)

Le suspense est à son comble...

Lundi 24 octobre. 

Les volontaires sont sollicités pour effectuer les relevés topographiques de la cave. Après les fouilles, je décide de m'initier à cette nouvelle technique. Il s'agit de représenter un muret, pierre par pierre, au millimètre près. 

L'équipement requis pour le relevé : une planche à dessin A3, du papier millimétré A3, un critérium et une gomme.

Planche à dessin

Exemple de relévé topographique pierre par pierre.

(Ici, la tour "Sarrasine" de Saint-Sauveur-en-Puisaye, Yonne. Dessin de J. Mercier)

Vendredi 21 octobre 2011.

CYG 1464 : que cela peut-il bien signifier ? Un code ésotérique ? La combinaison gagnante du quarté ? J'entretiens le suspense, vous ne le saurez qu'à la fin de ce post. Mes découvertes du jour : une série d'os d'animaux de tailles diverses, des coquilles d'escargots et des métaux de couleur orange (à ne pas confondre avec du cuivre qui, avec l'oxydation, est caractérisé par une couleur verdâtre).

La technique de fouille consiste à ramener la terre vers soi avec une petite truelle dans un mouvement vertical pour la déposer dans une pelle. Ensuite, nous trions le contenu de la pelle à l'aide de la truelle au-dessus d'un seau prévu pour recueillir la terre "vierge". Puis, les objets trouvés sont disposés soit dans des boîtes, soit dans des sacs plastiques tous deux transparents, en n'oubliant pas d"y joindre une étiquette cartonnée pour identifier la zone du terrain fouillé. Aujourd'hui, la zone est baptisée CYG 1464. (CYG désignant le chantier de l'Îlot CYGne).

Vendredi 21 octobre 2011.

Aujourd'hui, c'est au tour de la cave datée du XVIIe siècle - la découverte la plus récente du chantier - d'être scrutée, analysée et dépecée. Le travail abattu est impressionnant : tous les membres de l'équipe se concentrent ici, pour retirer les couches successives du millefeuille. A huit, nous travaillons cette zone au corps : les seaux de terre et les brouettes débordants défilent. Nul besoin désormais d'aller en salle de musculation !

Hier encore, aucune des pierres des murets n'était visible. Aujourd'hui, tout est exhumé. Deux d'entre nous s'emploient à réaliser le relevé topographique, pierre par pierre. Le plus délicat n'est pas le dessin mais la tension du fil qui doit être bien horizontal, malgré le relief des parois. Décamètre et niveau de chantier sont nécessaires pour mener à bien le relevé, sans oublier le théodolite (ou tachéomètre) qui permet d'obtenir les coordonnées d'un point visé afin de géoréférencer le site sur une carte. Ces données recueillies subissent, ensuite, un traitement numérique. 

Voici un aperçu plus concret des actions menées lors des fouilles :

L'archéologie préventive en action

Jeudi 20 octobre 2011.

Les apprentis archéologues s'attaquent à ce qui fut jadis un puits d'eau douce de rinçage. Lors du creusement des parois, une attention particulière est apportée à l'identification de la texture de la terre et de son degré de dureté. Il faut en observer les couleurs et, en l'occurrence, les pigments blancs caractéristiques du plâtre friable.